Principes avancés d’immobilisation des extrémités
Lors d’un accident ou d’une blessure touchant les membres , l’intervention de premiers soins la plus importante – outre la gestion d’hémorragies, s’il y en a – est l’immobilisation. L’objectif : préserver l’intégrité de la structure osseuse, prévenir l’aggravation de la blessure, limiter la douleur et favoriser une bonne récupération. Dans cet article, nous aborderons les notions avancées d’immobilisation, telles que recommandées par les plus hauts standards de santé et sécurité et par les protocoles de premiers secours modernes.
1. Pourquoi l’immobilisation est cruciale
Quand un choc, un faux mouvement ou un écrasement se produit, l’os, l’articulation ou les tissus mous (muscles, tendons, ligaments) peuvent être partiellement ou totalement lésés. L’immobilisation permet :
- D’éviter l’aggravation : En stabilisant la zone blessée, on empêche le frottement d’un os fracturé sur les tissus environnants ou la détérioration d’un ligament déjà fragilisé.
- De contrôler la douleur : En réduisant les mouvements, la douleur diminue sensiblement.
- De prévenir les complications vasculo-nerveuses : Un mouvement excessif ou erroné peut compresser des vaisseaux sanguins ou des nerfs, augmentant le risque de perte de circulation ou de sensation.
Il est donc prioritaire de reconnaître rapidement une blessure possiblement grave et de procéder à une immobilisation adéquate, surtout lorsqu’on évolue dans des milieux où l’accès à des ressources médicales est limité (chantier éloigné, environnement forestier, etc.).
2. Les principes de base... et leurs raffinements
2.1. Position de repos ou position “trouvée”
Le principe général veut qu’on immobilise le membre dans la position la plus fonctionnelle ou la plus neutre possible. Toutefois, dans des situations plus complexes :
- Fracture déplacée : On ne force pas la réduction (le réalignement) si cela provoque une grande douleur ou si l’on n’a pas la formation appropriée. Dans certains protocoles avancés, un secouriste formé à la manipulation peut tenter un réalignement doux si la position de la fracture menace la circulation (ex. : en cas d’absence de pouls distal).
- Fracture ouverte : On laisse le membre tel qu’il est, en protégeant la plaie (avec une compresse stérile) avant d’installer l’attelle. Toute tentative de réalignement brutale est déconseillée, sauf s’il y a un risque vasculaire majeur.
2.2. Stabiliser l’articulation au-dessus et au-dessous
Dans le cas d’une fracture osseuse, on englobe systématiquement l’articulation qui se trouve au-dessus et celle qui se trouve au-dessous du foyer de fracture. À un niveau avancé :
- Attelle modulaire : Les secouristes mieux outillés peuvent utiliser plusieurs pièces ajustables (attelle gonflable, attelle en métal pliable, matelas immobilisateur sous vide, etc.) qui enveloppent tout le segment blessé de façon continue.
- Repérage des repères anatomiques : On vérifie l’alignement via les repères osseux palpables pour s’assurer qu’on n’a pas laissé l’articulation dans un angle contre nature.
2.3. Vérification neuro-vasculaire
Chez un secouriste formé ou en milieu de travail avancé (ex. : forêt, chantiers), une connaissance approfondie de l’évaluation neuro-vasculaire est essentielle. Juste avant et juste après la pose de l’immobilisation, on évalue :
- La coloration cutanée : Une peau pâle ou cyanosée peut indiquer un manque d’apport sanguin.
- La température de la peau : Doit être comparable au membre sain.
- Le remplissage capillaire : On presse sur un ongle (main ou pied) pour voir en combien de temps la couleur revient (normalement < 2 s).
- La sensibilité : On teste la sensation (piqûre légère, pression) pour s’assurer qu’il n’y ait pas de problème nerveux.
- La motricité : On demande au blessé de bouger prudemment ses doigts ou orteils (si la douleur le permet).
Si un de ces paramètres se dégrade après la pose de l’attelle, il faut desserrer ou revoir l’immobilisation.
3. Immobilisation spécifique des extrémités
3.1. Poignet et avant-bras
- Cas d’entorse : Dans une entorse sévère (déchirure ligamentaire possible), on recommande un bandage élastique en appuyant un support dur (planchette, attelle gonflable) sur la face interne de l’avant-bras, du poignet et de la paume.
- Cas de fracture de l’avant-bras : Une attelle qui couvre les zones près du coude (en haut) et celles du poignet (en bas). Les secouristes avancés utilisent parfois une attelle rigide qu’ils fixent avec des sangles Velcro, associée à une écharpe cervicale pour soutenir le bras.
3.2. Mains et doigts
- Doigt fracturé ou luxé : Technique de la “buddy tape” (faire reposer le doigt blessé sur son doigt voisin) est envisageable, mais dans un contexte avancé, on peut recourir à une petite attelle préfabriquée en aluminium ou à une tige semi-rigide.
- Calage de la main : Si la douleur est extrême, on peut insérer un rembourrage (compresses ou bandage) dans la paume pour maintenir la main en position de fonction (légèrement fléchie). Cela évite la fermeture complète de la main et limite la raideur musculaire.
3.3. Cheville
La cheville est particulièrement vulnérable, entre les entorses, foulures, fractures malléolaires, etc. Les principes avancés incluent :
- Position neutre : Au besoin, on ramène doucement le pied à angle droit avec la jambe, sauf si la douleur est trop intense.
- Attelle gonflable ou “vacuum splint” : Très pratique sur le terrain. On entoure la cheville et le pied, on retire l’air, l’attelle durcit, maintenant la cheville stable.
- Attelle semi-rigide : Dans un sac de transport (type matelas immobilisateur) pour toute la jambe, si la fracture ou la suspicion de fracture s’étend.
3.4. Pied et orteils
- Immobilisation du pied : Souvent requise en cas de fracture du métatarse. On cale le pied en position neutre, enveloppé dans une attelle gonflable ou rigide, s’assurant de couvrir la cheville si la blessure s’étend en amont.
- Orteils : Comme pour les doigts, un simple “buddy tape” est souvent suffisant. En cas de fracture plus complexe, un rembourrage spécifique ou une petite attelle sur la face plantaire peut être employée.
4. Les matériaux d’immobilisation avancés
- Attelle gonflable : Gain de temps appréciable. Très simple à installer, on enveloppe le membre, on gonfle la structure. Toutefois, la pression doit être surveillée, car l’enflure du membre pourrait serrer trop fort.
- Attelle modulaire rigide (type “Sam Splint”) : Plaque d’aluminium malléable recouverte de mousse, qu’on façonne selon la forme du membre. Il faut fixer solidement avec des bandages ou bandes Velcro.
- Attelle sous vide : Appelée souvent “vacuum splint” ou “matelas immobilisateur”. Très utilisée en milieu industriel ou par les secours préhospitaliers avancés. On place le membre dedans, on retire l’air avec une pompe, la structure devient rigide.
- Écharpe de type “bandage triangulaire” : Support classique. Le couplage écharpe-et-ceinture de soutien est très courant pour la clavicule, l’humérus ou l’avant-bras.
5. Le protocole RCRÉ (Repos, Compression, Refroidissement, Élévation)
Au-delà du simple fait d’immobiliser, on applique souvent le protocole RCRÉ :
- Repos : Mettre l’articulation ou le membre au repos, sans tenter de le mobiliser.
- Compression : Appliquer un bandage élastique pour limiter l’enflure.
- Refroidissement : La glace (ou un sac de froid) sur 10-15 minutes, espacées de périodes sans glace.
- Élévation : Surélever le membre autant que possible, diminuant l’œdème.
Cette approche est souvent pratiquée dans les premières 24 à 48 heures pour des entorses légères, mais ne remplace pas l’examen médical lorsqu’on suspecte une fracture ou une lésion importante.
6. Surveillance et gestion des complications
6.1. Surveiller la douleur
Un soulagement progressif après l’immobilisation est un signe encourageant. Si la douleur augmente ou reste vive, consulter rapidement.
6.2. Risque de syndrome de loge
En présence d’un gonflement massif, un bandage ou une attelle trop serrés peuvent provoquer un syndrome de loge (compression des muscles et des nerfs dans un espace inextensible), situation urgente. Les signes : douleur inhabituelle, pouls parfois difficile à percevoir, engourdissements. Il faut desserrer l’attelle immédiatement et transférer le patient dans un centre hospitalier.
6.3. Contrôle de l’hémorragie
Si la blessure s’accompagne d’une plaie qui saigne, il faut d’abord exercer une pression directe pour contrôler l’hémorragie, puis appliquer un pansement stérile sous l’attelle. Si le sang sature la compresse, ne jamais l’enlever, en rajouter par-dessus et resserrer ou ajuster la compression.
7. Spécificités pour le secteur forestier ou isolé
Dans les régions éloignées ou sur un chantier forestier :
- Protocole d’évacuation : L’employeur doit organiser l’évacuation selon la réglementation de la CNESST (par ex. : documenter le moyen de transport, le point de rencontre ambulancier).
- Ratio de secouristes : En milieu forestier, un secouriste formé par tranche de cinq travailleurs est requis en tout temps, avec un matériel de premiers secours adéquat (y compris des attelles, bandages triangulaires, pansements compressifs).
- Moyen de communication : Un téléphone satellite, une radio VHF ou un accès fiable au réseau cellulaire sont essentiels pour appeler du renfort.
8. Formation continue et règles administratives
Tout secouriste ou personne responsable des premiers soins en milieu de travail se doit de maintenir à jour ses compétences. Une mise à niveau fréquente s’avère cruciale, car les pratiques évoluent rapidement. Dans certaines formations avancées, des manipulations douces pour réduire de légers déplacements osseux sont enseignées, ce qui peut faire la différence quand le transport vers le centre de soins exige plusieurs heures.
La loi québécoise sur la santé et la sécurité du travail, via la CNESST, impose que :
- Les travailleurs soient informés des risques et des mesures préventives.
- Des secouristes (ayant suivi une formation en secourisme en milieu de travail reconnue) soient présents selon un ratio préétabli.
- Le matériel de premiers secours (trousses, attelles, couvertures, gants, etc.) soit disponible, propre et vérifié régulièrement.
9. Conclusion
L’immobilisation, lorsqu’elle est effectuée avec précision et rigueur, constitue un geste de premiers soins d’importance capitale. Au-delà des méthodes de base, on gagne à connaître les principes avancés : évaluation neuro-vasculaire, choix judicieux de l’attelle (gonflable, sous vide, modulaire, etc.), gestion de la compression et de la douleur, positionnement optimal du membre, etc.
Dans toutes les situations, l’attention portée aux détails fait la différence : vérifier régulièrement la circulation sanguine, la sensibilité et la douleur, adapter le serrage de l’attelle à l’évolution de l’enflure, et communiquer avec les professionnels de la santé dès que nécessaire. Dans un cadre plus complexe, comme en forêt ou sur un chantier éloigné, c’est souvent la capacité à prodiguer des soins intermédiaires et à immobiliser correctement qui évite des séquelles graves.
Ainsi, chaque milieu de travail est invité à mettre en place non seulement un protocole clair d’évacuation et de premiers soins, mais aussi une formation continue pour les secouristes et le personnel clé. Une immobilisation bien exécutée constitue un pont essentiel entre la scène de l’accident et les soins définitifs fournis par les services médicaux.
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Pour plus d’informations sur les premiers secours en milieu de travail et les exigences de la CNESST, vous pouvez également consulter le site web de la CNESST : https://www.cnesst.gouv.qc.ca/fr/prevention-securite/secourisme-en-milieu-travail/materiel-premiers-secours